TEMOIGNAGES
J'ai 35 ans et je fais partie de l'Association depuis un peu plus de 9 ans environ.
Avant tout j'aimerais rappeler pourquoi je suis venu dans cette association. Cela pour permettre de mieux comprendre l'importance de nos rencontres qui sont annulées depuis un an bientôt.
Et aussi pour qu'on se rappelle de notre parcours personnel de vie avec le handicap.
J'ai une surdité sévère des deux oreilles depuis que je suis né et ça n'a pas évolué depuis.
J'ai été appareillé des deux oreilles à l'âge de deux ans.
Mon enfance c'est bien déroulée et j'ai été très bien intégré dans le monde des entendants, notamment grâce à l'immense soutien de ma mère et aussi de mon inséparable frangin qui me corrigeait sans cesse mes erreurs de compréhension/prononciation.
Néanmoins plus je grandissais, plus les difficultés se sont fait ressentir. D'autant plus que je ne me considérais pas avec un handicap. Au contraire ! Je me voyais comme tout le monde mais avec en plus juste deux prothèses dans les oreilles. Je ne reconnaissais donc pas mes difficultés liées à la surdité, je les ignorais...
C'est au lycée que les difficultés ont pris le dessus et qu'elles ont percé la carapace que je m'étais construite pour masquer mon handicap.
Ne cherchant pas de soutien moral autour de moi, je me suis replié sur moi même ainsi que dans les jeux vidéo. Cela a eu pour conséquence que je me suis effondré dans une dépression dont j'ai mis du temps à en sortir.
C'est en remontant la pente que j'ai enfin décidé de ne pas rester seul face a mon handicap et que j'ai identifié mon besoin de parler avec des gens qui vivent les mêmes difficultés que moi.
C'est à ce moment là que j'ai rejoint l'AMDS.
J'ai de suite apprécié les Rencontres Adhérents où l'on mettait enfin des mots sur ces difficultés liées au handicap.
Le fait de s'exprimer (présenter son expérience du handicap) est aussi un bel exercice pour s'accepter et oser s'affirmer en tant que malentendant
Et j'y ai tissé de forts et précieux liens d'amitiés.
Je suis malentendant depuis 2001 (le 02 janvier exactement) . La majorité des personnes se souviennent de 2001 pour les attentats du World State Center et l’explosion à l’usine AZF, pour moi c’est un autre évènement qui a changé ma vie : une opération pour otospongiose qui s’est mal passée et s’est terminée par une labyrinthisation et une perte définitive de l’audition du côté de l’oreille opérée (gauche). Souffrant aussi d’otospongiose côté droit. J’ai donc une perte sévère d’audition. Je suis équipé côté droit, avec un cross côté gauche.
Cette perte brusque d’audition à l’âge de 35 ans a complètement bouleversé ma vie aussi bien sociale que professionnelle. Ma reconstruction est passée par différentes étapes et différents sentiments.
D’abord il y a eu la colère et cette sensation d’injustice par rapport à des accidents de vie que l’on croit qu’il n’arrive qu’aux autres. Je me suis ensuite replier sur moi avec cette perte de liens sociaux qui me semblait inéluctable, face à l’incompréhension de mon entourage devant ce handicap qui ne se voit pas.
Il y a ensuite toute cette énergie pour me reconstruire professionnellement (j’ai dû changer de métier) et socialement. Beaucoup de portes à enfoncer et de combats à mener, en plus de l’acceptation de l’handicap.
Je me suis senti bien seul. J’ai eu du mal à accepter, à comprendre et à faire comprendre les sentiments qui me tiraillaient. Alors j’ai cherché des personnes qui souffraient du même handicap.
J’ai notamment rencontré une personne malentendante qui était touchée aussi subitement que moi par ce handicap. Notre amitié nous a permis de nous aider mutuellement.
Et puis j’ai découvert l’AMDS, il y a une dizaine d’années. J’ai participé à quelques groupes de parole et rencontré des personnes investis et dynamiques pour faire que notre handicap soit plus reconnu et compris.
Aujourd’hui je sais que j’ai dû sûrement passé par une période de dépression suite à mon handicap. Et bien que mon acceptation et deuil de ma vie d’avant soient maintenant faits, je ressens encore parfois de la tristesse et de l’incompréhension quand je me retrouve dans des situations où ma perte auditive m’isole et me fragilise. Mais, sans les rechercher, je n’évite plus ces situations et les appréhendent de moins en moins.
Voilà, j’avoue que c’est un exercice difficile et réducteur de parler de ma vie de malentendant mais l’initiative est heureuse et permet de garder un lien.